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mardi 20 novembre 2012

Quand vient ou viendra la retraite ...


Un Topo sur la retraite 
pour un groupe de prêtres âgés de 70 à 80 ans, recommandé par Gabriel BERTHE.
Il concerne tout un chacun ...



par Caroline Dry

Psychologue Clinicienne
Hôpital Bichat Claude Bernard - Paris
Psychothérapeute  Hauts de Seine






INTRODUCTION :

J’aimais  bien ce que racontait, avec son bon sourire et son  humour très fin, un prêtre décédé maintenant et qui avait exercé de grandes responsabilités, notamment comme supérieur du Séminaire de ce qui était alors toute la région parisienne, avant sa restructuration en 8 diocèses. A la retraite depuis quelques années, il rencontre un jour un jeune confrère qui tout heureux de le voir, lui dit : « Ah, Père ! Je vous ai connu quand vous étiez quelqu’un ! »

Je vous propose de prendre quelques minutes de silence pour laisser résonner en nous cette parole….entendre comment elle réagit en nous……  

I.        La retraite, est avant tout un passage,

La retraite est ce moment de la vie ou la société civile ou religieuse nous signifie officiellement que nous sommes trop âgés pour exercer  les responsabilités qu’elle nous avait confiées jusqu’alors. C’est le temps où nous sommes officiellement invités à nous retirer….à nous mettre en retrait….Un retrait  parfois attendu ( sans pour autant toujours savoir ce qui est attendu.) un retrait pas toujours choisi….Nous sommes déchargés, on nous retire la charge.  Nous la remettons….mais peut-être à contrecœur. Souvent c’est plutôt ambivalent : la retraite provoque un soulagement d’une part…et un sentiment de dépossession, donc d’injustice, de l’autre !  Même si ça tend à évoluer, la retraite est aussi par rapport à nos représentations sociales une dernière ligne droite. Bref, ce changement, lorsqu’il survient, est connu depuis longtemps, attendu quelque fois, mais pas toujours anticipé, et en tous les cas pas toujours d’une manière positive.  Une chose est certaine : c’est que la retraite s’inscrit dans le temps, à une date bien précise, qui vient faire rupture, qui vient rendre effectif tout un ensemble de pertes, et pas des moindres.  J'en cite quelques unes:

A) Le passage à la retraite entraîne d emblée  une perte des responsabilités importantes. Jusqu’ici, on vous a confié des responsabilités, souvent importantes. Elles étaient lourdes, parfois trop, mais à travers elles vous avez existé, vous vous êtes senti utiles, vous pouviez servir, donner, construire. Lorsque la retraite arrive, et que je suis mis en retrait,  je peux avoir l’impression d’être « mis sur la touche ». Il n’y a plus de pouvoir a exercer, plus de position à défendre, plus de fonction essentielle à accomplir. Autant de rôles qui donnaient sens à ma vie, valeur à mes actes, couleurs et reliefs à mon identité, richesse à ma personnalité. Ce passé, cette histoire est structurante…En quittant, en perdant le cadre qui m’a permis de le vivre, je peux avoir l’impression de tout perdre. 

B)            En même temps que la responsabilité, je perds l’autorité qui était liée à ces responsabilités. Plus de responsabilité, plus d’autorité, puisque l’autorité ne vient pas de moi : c’est l’outil inhérent à la responsabilité, et qui me permet de l’exercer. Je n’ai plus légitimité pour exercer l’autorité en dehors du cadre qui la fondait jusqu'ici….Ma parole n’a plus le même poids, elle n’agit plus de la même façon…on ne l’entend plus comme avant. Elle n’a plus la même valeur.

C)           Peu à peu, laissant des fonctions, je vais perdre toute une partie de mon réseau relationnel : J’avais un agenda rempli, des réunions le soir, j’étais invité, il se pouvait même que j’ai parfois pu craindre d écouter les messages de mon répondeur, tellement il y en avait. A chaque Noël il me fallait des jours pour répondre à tous les vœux, etc…..et voilà que peu à peu, je suis moins sollicité, moins contacté : je peux éprouver un sentiment d’isolement, de solitude et avoir l’impression que les gens m’oublient.

D)           Et je réalise que tout une partie de ce qui faisait ma vie, de ce qui l’animait, la rendait vivante, n’était pas seulement liée à moi, à ce qui je suis, à qui je suis, mais à la fonction que j’exerçais, au service que je rendais…..En étant retiré de la responsabilité, je perds le statut qui allait avec la fonction, je perds une certaine reconnaissance, parfois importante !  Alors, je peux avoir l’impression qu’en perdant mon statut, je n’existe plus.

Nous avons nos représentations, qui font que nous n’écoutons pas de la même manière, nous n’accordons pas le même crédit selon la fonction de la personne..... Mais tout aussi bien nous avons nos propres représentations de ce que nous devrions être.De ce fait, lorsque je ressens cela, cette solitude, ce besoin de reconnaissance, cette amertume, peut-être cette colère parfois… je peux éprouver une certaine honte et culpabilité…par rapport à l’image que je me fais de moi-même, ou de ce que je devrais être à mes yeux  (mon intelligence, ma spiritualité, mon expérience et mon cœur de prêtre peuvent me dire: " tu ne devrais pas avoir besoin de çà puisque tu te voulais serviteur!!!...") ,
           
E)            En plus de toutes ces pertes énoncées, il y a celle, qui court depuis que l’horloge de notre vie s’est mise en route : la réalité du vieillissement du corps, son affaiblissement,  la perte de la jeunesse et l’approche de la mort. La retraite effective, signifiée officiellement, nous ramène à la limite du temps qui court, à notre impuissance à l’arrêter, et nous renvoie à la question de la finitude et de la mort, question  qui se repose de manière nouvelle et plus présente, nous laissant avec moins de possibilités de fuite. Et il y  a pour nous chrétiens, avec la mort, cette question du doute qui peut venir nous habiter: "est-ce que c’est bien vrai tout cela" ? Et moi en tant que prêtre qui ai donné ma vie au nom de ma foi, est-ce que j’y crois?…Et est-ce que d’accueillir en moi cette question ne va pas m’entrainer dans un abime vertigineux, une angoisse sans fond?  Et sans aller jusque là, ça pourrait aussi être, en fonction de mes représentations de prêtre, comme je le disais précédemment, est-ce qu'en tant que prêtre j’ai le droit d’avoir peur de la mort ? Et comment ai-je oui ou non, le droit de l’exprimer ?

Les quelques points évoqués disent la perte d’autant de repères auxquels nous étions habitués, qui étaient constitutifs de notre vie, de notre environnement, de notre rapport aux autres et à nous-mêmes….Autant de repères et de points d’ancrage de nos vies qui se retrouvaient jusqu’à la retraite, balisés, dans un certain équilibre, à défaut parfois d’équilibre certain !


II.       Le passage à la retraite est aussi un temps de remaniement de notre identité.

 C’est l’occasion d’un ébranlement des repères, de remises en questions, voire d’une remise en chantier, car nous  n’avons jamais fini d’évoluer….Nous sommes des êtres vivants, inscrits dans une dynamique de vie et de croissance.

A)            Comme à toutes les grandes étapes de la vie, la retraite peut venir résonner sur ce que nous sommes, sur notre histoire et venir révéler, mettre à nu et en questions nos domaines de fragilités. Non pas tant parce que la retraite fragilise, non pas tant parce que l’âge fragilise – même si c’est le cas - mais parce qu’en raison du bouleversement, des changements que cela représente dans une vie, nos défenses habituelles, celles qui nous servent à nous adapter à notre environnement connu ne suffisent pas, ne suffisent plus. Et que nous nous retrouvons ramenés à la structure même de notre être, de notre identité, avec ses domaines de fragilités existants. Ceux que jusque là, nous avions réussi bien heureusement, consciemment ou non à aménager, à protéger, à stabiliser….

Selon mon histoire, les évènements de ma vie, certains chocs, certains manques, certaines ruptures, certains traumatismes….il a pu y avoir dans la construction de mon identité, des blessures, voir même des cassures….Certaines se sont cicatrisées, certaines ont été intégrées et assumées…d’autres, j’ai pu ne pas en avoir conscience, ou ne pas avoir conscience de leur impact, de leur importance….et elles sont en moi, comme un empêchement à l’unité de mon être (et sont protégés par du déni, du clivage, de la projection….). Ces réactions, sont des défenses qui a un moment donné m’ont été une aide.  Mais lors des nouvelles étapes de ma vie, avec les changements et bouleversements que cela suppose, mes mécanismes de défense peuvent ne plus être efficaces et devenir pour moi source d’un handicap.  Je ne comprends plus alors pourquoi je suis dans telle ou telle situation ou pourquoi, alors que jusque là « ça passait », « ça ne passe plus ! »

L’identité est une notion complexe dont la définition diffère selon les domaines où elle est appliquée. Mais on peut dire que l’identité correspond à « la connaissance que l’on a de sa propre existence et de son projet dans le monde ».  La permanence de notre identité se retrouve dans la capacité à rester soi-même lorsque le temps qui passe nous change. L’identité se construit dynamiquement et évolue tout au long de la vie d’un sujet. Certains  parlent de périodes charnières, délicates à surmonter, dans lesquelles l’identité est mise à mal, en tant que crises d’identité (l’adolescence, la quarantaine,) …La retraite et vieillesse en font partie. Chacun, confronté au même processus du vieillissement, œuvre avec ses propres ressources et modalités défensives pour préserver son identité. Et l’enjeu, de notre naissance à notre mort est bien l’unification de cette identité, l’unification de notre être….Donc, cette nouvelle situation de vie va demander un réaménagement profond. Il va m'appeler à porter un regard sur qui je suis et sur ces zones de moi-même que j’ai spontanément tendance à éviter lorsque elles sont des lieux de blessures et de souffrance, protégés par des mécanismes de défense. Lieux dont pourtant je suis sans cesse réinvité à prendre soin… Tout spécialement à ce nouveau passage important de ma vie , j’ai la possibilité de parcourir ce chemin de libération, de maturation, de croissance….. Comme psychologue, il me semble que ce réaménagement de l’identité est toujours une chance, car invitation à devenir de plus en plus nous-mêmes, à réaliser de plus en plus pleinement nos ressources d’humanité, à mettre en œuvre de plus en plus pleinement notre liberté. Et cela, c’est toujours donné aujourd’hui ! 

En fait, ici et maintenant, c’est toujours un don, et c’est là, et là seul probablement que je suis attendu  - par Dieu - ….En psychologie on parle de principe de réalité. Cet « ici et maintenant », qui me limite, mais en même temps, dont l’acceptation  rend pleinement libre, me fait pleinement mature, adulte, capable d’assumer ma vie. C'est ce consentement au réel qui me fait expérimenter que c’est sur ici et maintenant – seul- que j’ai prise sur ma vie.

B) Bien sûr, ce sentiment de vulnérabilité, rencontré à  toute nouvelle étape de  vie, va être majoré à celle ci,  par les éléments inhérents au vieillissement.
Une capacité d’adaptation moins rapide et une diminution des aptitudes physiques qui peuvent survenir: une baisse de la vue, de l’ouïe, ….une baisse de la force physique. Parfois des problèmes de santé qui viennent peser. Parfois l’entrée dans une certaine dépendance.  Mais le vieillissement n’altère pas, comme on le croit trop souvent les capacités intellectuelles ! C’est la rapidité d’exécution qui change.

Donc nous le comprenons, à l’occasion de la retraite, le remaniement de notre identité met en route un processus psychique qui fragilise, qui rend vulnérable. Tous ces mouvements intérieurs qui m’habitent, anxiété, angoisse,  peuvent alimenter, contribuer au sentiment, d’avoir tout perdu,  de ne plus « être »…  « Je ne suis plus rien »….I
lls peuvent aussi nous entraîner parfois, souvent sans bien en avoir conscience, à des comportements qui vont avoir pour fonction de nous calmer, de nous rassurer, de nous redonner un sentiment de force… Et on peut se retrouver en difficulté pris dans des comportements qui pouvaient être présents avant ,mais qui se trouvent alors renforcés et devenir des formes de dépendances ( jeux, internet, achats compulsifs, comportements obsessionnels – sexuels -, des fixations) et dépendances à des produits, notamment l’alcool, produit licite mais hautement addictogène et psychotrope  puissants :quatre médicaments en un : antalgique, somnifère, anxiolytique , euphorisant… (mais il faut savoir qu’il déprime très vite). Même gênants ou dangereux pour notre santé, ces « habitudes » peuvent êtres positives si elles deviennent une alerte, pour nous ou autour de nous, et peuvent devenir occasion de parler, voire de prise en charge médicale ou psychologique.


III.     Cette nouvelle étape vient questionner le sens de ma vie et ce qui la fonde.

Je ne peux plus m’appuyer sur les signes extérieurs, sur mon autorité, sur le paraître…..   Je suis dépouillé, dénudé en quelque sorte, et renvoyé à moi-même, à mes essentiels…..à mon être – seul - .

A.    Je suis ramené à la Source.
Ca vient me remettre face à la vérité de mon être et de mes choix, et surtout, de ce (Celui) qui les a fondés.  Et ce sont ces  fondements auxquels je vais être ramené, mais pour remonter à la Source.  C’est bien à la source de mon désir profond, que je suis ramené pour retrouver une certaine cohérence, une certaine paix avec moi-même, une certaine unification. C’est peut-être le moment par exemple où je vais retrouver et me laisser ré-habiter, par une ou des Paroles qui ont été pour moi, tout au long de mon histoire, de mes engagements, des Paroles de Vie : La manière particulière, unique, dont le Seigneur n’a cessé de me parler et de m’appeler. 

Cela peut m’inviter, parce que du chemin a été fait - un riche chemin -, à des réajustements, à des ré harmonisations. (Ca peut-être l’occasion de découvrir à quel point je m’étais attaché aux responsabilités et aux fonctions exercées….attachement qui a pu me faire oublier qu’elles m’étaient confiées pour un temps, ne m’appartenaient pas, et encore moins me représentent tout entier….Cela peut être le temps : de regretter tout ce que je n’ai pas fait, pas réalisé.  Cela peut être la nostalgie de qui j’étais (ou de ce que je faisais ? peut-être ai-je confondu « être » curé ou « exercer le service » de curé ?)…Oui, je suis ramené à la source….la source, c’est ce qui donne la vie !


B.                Je suis invité à relire ma vie (et rendre grâce) pour tout ce qui a été reçu, donné, tout ce qui a été réalisé, tout ce à quoi j’ai participé, toutes les expériences vécues, recueillies…..Car, dans ce temps de changement et de déstabilisation, c’est dans cette histoire de vie, la mienne, que je vais retrouver mes points d’appui, de permanence, de stabilité dont j’ai besoin et qui sont  en moi ! Relire est un vrai travail….que nous invitons souvent ceux que nous rencontrons et accompagnons à faire….mais que nous ne trouvons pas toujours le temps de faire nous mêmes… Il est intéressant à cet égard de remarquer que la retraite « à laquelle je vais être mis » est le même mot que celui que nous utilisons dans la vie spirituelle pour ce temps où nous « choisissons » de nous retirer pour nous rendre davantage disponibles à la présence de Dieu dans nos vies….




Cela ne nous redit-il pas toute la possibilité, l’opportunité, la chance que cela peut-être pour chacun de faire d’une retraite subie, un temps choisi parce que invités à le vivre davantage dans la présence à Dieu qui est depuis toujours présent à nous ?  Si je regarde en arrière, ce n’est pas pour ressasser, pour regretter, pour me laisser emprisonner dans la prison de mes rêves ou de mes regrets…Non, c’est pour y voir la trace de cette fidélité ancienne et toujours neuve de Dieu. Nous le savons, des épreuves, aussi rudes qu’elles soient, peuvent être riches de sens quand elles sont relues à la lumière de la Parole de Dieu. Ces acquis dans ma vie, toutes ces mises en œuvre, toutes ces réalisations, toutes les relations vécues, forment un trésor d’expériences qui me constituent, qui sont en moi un capital de savoirs et de compétences qui sont part de ce que je suis….Dans l’action de grâce, le passé est tout entier « gardé », mais au sens ou « Marie gardait tout cela en son cœur ».

C.     C’est le temps d’une plus grande liberté intérieure: entrer dans l’intériorité permet d’accepter de vivre sur un mode de moindre intensité extérieure, moins dans le faire et davantage dans l’être.
D.     La liberté intérieure ne renvoie pas à un repli sur soi. Elle n’est pas le refus des autres    et du monde. Au contraire, elle invite à s’ouvrir à l’extérieur, au mon­­de et aux autres, mais en les vivant de l’intérieur, avec toute la profondeur, la densité.

IV.    Qu’est-ce qui peut nous aider ?

A.    Accepter les questions, les doutes, les craintes, les angoisses qui m’habitent et  accepter de les exprimer: Ils sont signes que je suis un vivant, que je suis pleinement homme, dans la pleine vitalité qui me constitue et met en œuvre en moi des forces qui luttent pour la vie et pour que cette vie triomphe! Ces sentiments, ces émotions, ces mouvements de révolte sont légitimes, inhérents à notre nature humaine….Il disent que nous sommes des vivants. Il est important, essentiel de les accueillir ! Ne disons pas trop vite : ce n’est rien, tout va bien….Ne disons pas trop vite : il faut accepter !…..Ne disons pas trop vite : il y a Dieu !  Dieu n’est pas un pansement – Si Dieu est le Dieu de la vie Il n’y a d’autre chemin que ce qui fait vivre. Sans vouloir pervertir ou manipuler, j’ai toutefois, comme psychologue et comme chrétienne, envie de ré exprimer cette conviction qui est aussi ma foi: Parce qu’il n’y a pas de vie sans Parole, « Dire » est un chemin essentiel.

B.                Apprendre à dire : Dire « ce qui est », et que « ce qui est » soit reconnu, est un besoin fondamental. Pas seulement pour des victimes de traumatismes, d’accidents graves, mais pour chacun de nous. Dire, c’est entrer en contact avec ce que nous sommes et le manifester.   Chacun dans et par notre ministère a fait l’expérience d'être celui qui accueille et qui écoute.

Mais moi aussi, parce que je suis un frère en humanité, j’ai besoin que ma parole soit entendue, accueillie, écoutée, prise en compte….. Mais nous le savons, souvent, les exigences du sacerdoce, la réalité de nos vies, la nature de nos charges, les distances, le nombre décroissant de prêtres ne favorisent pas l’existence de lieux de parole, et que l’absence  de lieux pour dire dans votre ministère est souvent un manque et source de souffrance. Cependant, il est important malgré cette réalité de réaffirmer combien nous avons tous besoin de dire, pour faire la différence entre nous et l’évènement, pour ne pas être submergés.  Dire met les choses à leur place, permet d'élaborer, de mieux comprendre, de moins nous laisser emporter par notre imagination. Dire, c’est dépasser la division intérieure. En disant, je reconnais que je ne peux pas tout, que je suis limité, que j’ai besoin de l’autre. Dire, c’est donner de la consistance à ce qui nous habite. Nous pouvons ne pas dire parce qu’il n’y a personne pour nous écouter.



Nous pouvons ne pas dire parce que nous avons pris l’habitude d’être celui qui écoute.  Si la souffrance n’est pas dite, rien ne vient l’apaiser. Elle peut alors devenir folle et tuer. L’important n’est pas que l’autre le comprenne, mais qu’il en soit le témoin. Dire est chemin. Qu’on soit bavard ou non, on n’a jamais fini d’apprendre à dire.  Dire est, je crois, chemin de simplification, de vérité, chemin vers la Source. Il est donc essentiel de ne pas se résigner devant le manque, mais de pouvoir favoriser et  utiliser ces lieux  de révision de vie, d’équipe fraternelle,  de groupe de spiritualité, d’essayer aussi de raviver tout ce qui peut tisser des liens, réactiver des réseaux : parfois ,vous avez des amis de bien longue date….Oui, attention au repli sur soi et à la perte de communication.

C.            Préparer ma retraite. Et c'est bien le thème d aujourd'hui. A la fois marquer le passage, le moment du « départ », de la mise à la retraite, afin que ce changement de statut soit marqué pour moi, par moi, et pour les  autres. Nous sommes des hommes et des femmes qui ont besoin de signes.  C’est tout le sens des sacrements. Et c’est probablement un témoignage de foi en cette réalité que je peux exprimer en décidant de marquer le passage à la retraite.  Il y a autant de manières que de personnes et de personnalités ! Mais aussi préparer comment je souhaite vivre le temps de la retraite, tel que je l’imagine, avec la réalité des aptitudes que je pense avoir alors. (Pas si simple quand on sait que depuis des années vous avez eu l’habitude de mettre en place des projets pour les autres, d’aider les personnes à faire naître et rejoindre leur vrai désir….mais que vous avez été au service d’une institution, qui d’une certaine façon vous a déchargés de cette préoccupation (voire « interdit »)  de tout projet personnel… On peut espérer que dans la formation des jeunes prêtres, cette dimension humaine est davantage et autrement présente… Peut-être aurais-je envie, vais-je pouvoir consacrer plus de temps à tout ce que j’avais mis de coté par manque de temps ou excès d’investissements (quand je serai a la retraite, je m’occuperai de ma famille, de mes neveux, petits neveux etc). Il y aura aussi la question du lieu. Et dans chacune de ces réflexions, j’aurais à accueillir, en vérité, à la fois mon désir profond, mais aussi ce que je suis, avec mes limites, mes craintes, mes angoisses….avec réalisme, en essayant de m’accueillir avec tendresse et douceur.

D.   M’aimer et me laisser aimer :
Toute ma vie de prêtre a été consacrée au Seigneur, et pour Lui aux autres, à essayer d’aimer comme Lui.  Il me semble que je suis invité aussi à être plus attentif à prendre soin de moi, à entrer dans un temps d’amour pour moi-même, de tendresse pour moi-même, de bienveillance, de compassion. Il est temps, il est plus que temps….mais il est encore temps ! C’est aujourd’hui le temps où Dieu fait grâce.  Quelque fois, et peut être trop souvent,  être "envoyé" "missionné" pour aimer l’autre, pour servir l’autre, a pu être un alibi pour ne pas suffisamment m’aimer moi-même.  Peut-être parce que je n’ai pas suffisamment fait l’expérience d’être aimé…mais aujourd’hui, je suis invité à entrer dans ce regard d’amour sur moi, ce regard d’amour infini que le Seigneur pose sur chacun et que si souvent j’ai posé sur les visages que je rencontrais pour favoriser leur rencontre avec Lui.

E.            Accepter de vivre l’instant présent,  dans cette conscience que c’est là, seul, que Dieu se révèle et se donne !  Reprendre conscience que si je n’exerce plus de grandes responsabilités, je suis invité à continuer à exercer mes responsabilités et des responsabilités dans de nombreux domaines, non seulement en tant qu’homme, mais en tant que prêtre.  Car je ne suis pas relevé de la responsabilité de ma vie, de mon baptême, de ma vocation et de mon sacerdoce ! C’est cela qu’en psychologie on appelle le consentement au réel…et qui est le combat de toute une vie, de toute la vie….pour la vivre en plénitude…. Aujourd’hui encore, j’ai à inventer, à créer, à être pleinement vivant ! Je ne fais plus de projets, mais j’accueille le moment présent, pleinement.  Et dans cet accueil, le moment présent me déplace, m’entraine dans sa dynamique et fait de moi un vivant.

V.  Un passage à vivre : une Pâque avec le Christ, fondés en la foi en la résurrection !

A.                La retraite est une étape de vie, un passage. Or, nous le savons, vous en avez une expérience encore plus longue que la mienne, tout passage est une Pâque, et toute Pâque avant de mener à la résurrection est passage par une mort. Découvrir le don de vie qui nous est fait dans cette expérience ne peut se faire sans accepter la traversée. Heureux sommes nous d’avoir la foi, heureux sommes nous de croire que tout passage est source de vie, même si , comme pour d'autres, nous ne savons pas comment cela se fera.

B.                C’est  donc un deuil, des deuils à faire, comme pour toutes les expériences de mort que nous avons déjà vécues, traversées, et accompagnées probablement si souvent….Oui, la perte nous met en deuil. Il se manifestera différemment selon chaque personne, selon chaque histoire et chaque expérience. On peut le ressentir plus ou moins, l’exprimer plus ou moins….mais quel que soit ce que j’en perçois, dans tout passage, il y  a le choc de la rupture et de la perte, il y  a  la douleur et la souffrance. Il y  a le chagrin, la révolte ou la colère, l'anxiété ou l'angoisse, la tristesse, parfois les  larmes. Puis il y a peu à peu l’acceptation d’une réalité qu’on est impuissant à changer, acceptation qui nous sort d’une position de subir et nous redonne prise sur notre vie ! Nous pouvons réinvestir notre vie et faire de nouveaux projets. Le deuil est une capacité d’adaptation de l’être à une situation de perte qui bouleverse notre équilibre et notre environnement affectif, social, ….Ce deuil est donc un processus d’adaptation qui est au service de la vie, afin qu’elle puisse renaître. Il entraîne une dépression, mouvement naturel,   – puisqu’en réaction à un évènement –qui permet de se protéger. 
                          
Mais il arrive que ce mouvement d’adaptation ne suffise pas à nous permettre de reprendre notre équilibre…. Il sera important d’être attentifs à l’intensité de la souffrance vécue et surtout la durée.  Un deuil est un processus en mouvement, qui évolue. Si on se sent dans un état qui demeure, qui semble stagner, cela est probablement le signe qu’on est dans une situation où on a besoin d’être aidé parce que le processus de vie ne parvient pas à reprendre ses droits. En raison de mon histoire, de la manière dont l’évènement que je vis actuellement vient résonner sur telle ou telle défense, je peux avoir besoin d’une écoute spécialisée….et/ou peut-être suis-je sans le savoir, passé d’une dépression « réactionnelle », à une dépression –maladie.

(J’ai alors besoin d’un traitement contre la dépression. Le symptôme caractéristique de cet état est Il y a aussi le «  manque d’envie » indéfinissable. Cela peut-être aussi un sentiment de profonde dépréciation, une vision très pessimiste de l'avenir, une faible estime de soi mais aussi des signes comme la perte de poids, d appétit, un changement d’humeur, l’irritabilité, l'insomnie… Cela peut aussi être, à l’inverse, l’impossibilité de rester inactif. En tous les cas, il se produit des changements qui font que je ne me reconnais pas ou les autres ne me reconnaissent pas")

EN CONCLUSION :

En vérité, il n’y a pas de retraite pour Dieu, ni pour la vie avec Lui, ni pour le service des frères, et chaque âge de la vie est un temps pour la  grâce et pour la mission. De chaque heure de notre vie, la foi nous permet de  dire : « voici maintenant le temps favorable, voici maintenant le jour du salut » Is 49,8.
L’appel à être apôtre, disciple, est partie intégrante de notre identité chrétienne et de mon identité de prêtre. Dieu ne cesse de nous redire : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » Jn20, 21.
A la retraite, nous laisserons des tâches entreprises, passé à d’autres le témoin. Il y aura une expérience de désappropriation,  de dépossession de nous-mêmes qui nous allègera. Mais les lieux de nos chantiers, celles et ceux que nous y avons connus, croisés, accompagnés pour un temps, sont dans notre mémoire vive, même si parfois j’ai dû partir et être témoin de ce que la charge ne serait pas reprise et que je n’ai pas de visibilité sur ce qu’il adviendra de ce que j’ai contribué à construire, à mettre en place… Et cette mémoire, contrairement à ce que l’on dit et croit trop souvent, globalement, ne s’use, ni ne s’efface, et notre cœur s’agrandit.

Nous serons  disponibles pour d’autres formes de service : un accueil, une écoute, un échange, une autre présence, un autre accompagnement, peut-être plus disponibles, une autre manière de célébrer les sacrements, de porter le souci de la communion et du service.  Une action, qui en fonction de ce que nous sommes, ne sera plus habité par la fougue de la jeunesse, mais par une certaine sagesse, paix, douceur qui témoignent autrement de cet Amour qui veut se dire à tout homme, le plus petit, le plus pauvre,  le plus vulnérable. Modestement, faiblement, lentement, avec fragilité…. Nous voilà peut-être porteurs, autrement,  de valeurs que nous avons voulu faire découvrir et prendre en compte dans notre société. En elles, nous apprenons, renouvelés, où se situe notre véritable mission : du côté de l’être et non du faire, de l’être avec le Christ, dans le Christ.
 Alors, confiance. Croyons que « heureux… »
 Pouvons nous être de ce nouveau temps qui s’annonce.
 N’ayons pas peur de l’accueillir, confiants, toujours davantage, dans la vérité de notre être, dans la richesse de nos expériences,  dans la lucidité sur le chemin qui se fait en nous…..nous pouvons réentendre que le temps de la retraite est un temps où Dieu fait « toutes choses belles  » (qo3, 11). Il les fera pour chacun d’entre nous si nous acceptons de Le laisser faire son chemin en notre vie.

Chaque jour est un don, et la retraite est un temps qui nous est donné pour plus profondément encore, en faire le temps de Dieu qui nous invite à  être jusquau bout, hommes et prêtres que nous sommes,  des vivants.





Caroline Dry
Psychologue Clinicienne
Hôpital Bichat Claude Bernard - Paris
Psychothérapeute Hauts de Seine





Questions  et convictions:

Elie. Une chance de pouvoir garder des relations qui nous ont fait vivre et nourri…
Importance d’une équipe de prêtre Qui reconnaisse la place du prêtre  aîné
Quel comportement envers des prêtres curés plus jeunes et surchargés ? Quel engagement garder pour être heureux ? (Nous sommes invités aujourd’hui comme avant, à voir comment cela est bon, est juste pour moi : comment je prends soin de moi ? = Je suis responsable de « je »… apprendre à dire « non » reste difficile !

Gabriel : rester sur place, aller ailleurs ?
               Rester au presbytère identifié à une fonction, est-ce sain?
Facultés intellectuelles sauves… Prêtre jusqu’au bout, même sans responsabilités
Participation équipe et susceptibilité des égo

M.W. Importance de l’environnement humain.
Les réseaux… qui peuvent disparaitre. Comment gérer ? (La multiplicité des relations peut cacher certaines relations plus importantes… occultées par la nécessaire disponibilité)
La relation entre générations différentes ? Comment ?
La retraite : occasion de redire nos fondements

Michel B : retraité mais on ne peut rester seul. Liens avec d’autres, avec l’église du lieu. Comment notre état peut-il être attirant pour des plus jeunes. Comment témoigner.

Jacques : convivialité dans les repas ; les équipes de fraternité. Pouvoir se fixer rendez-vous au lieu où il y aurait eucharistie ? lieu de parole ???
La retraite des 30 jours, des jésuites… prendre le temps de voir ce qui nous a formé, nourri
Avoir des encouragements pour être poussés dans ce que l’on vit.
J’aurais aimé qu’on me dise que j’ai été baptisé, à vie ? prêtre a vie, mais avec quel peuple ?
Pierre T. Vivre le présent, le temps réel.
               Je ne peux pas partir !
               Nos communautés après nous : comment échapper à cette question ?
René.  Accepter les questions qui nous habitent .

Moyens qu’on se donne… attentes et pistes >>>> 15h

Atelier  1 - Prendre soin de soi est un réflexe naturel
Changement de rythme… faire des choses que l’on aime..
Prendre son temps. Participer activités vie civile
Faire des activités physiques : marcher… jardiner
Accueillir, être accueilli, écouter.. Prendre soin seul ou avec les autres.
Le dimanche, il est difficile de n’avoir rien à faire. Messe à la télé ?? (célébrer ou présent avec les participants)
Savoir s’imposer des choses, se donner des impératifs, ne pas se laisser aller

Atelier 2 Quel type de ministère envisager ?
J’ai décidé… je reste disponible à l’évêque… Possibilité de plus s’engager dans son charisme… à préciser. Possibilité de plus grande proximité
Comment faire profiter d’une expérience accumulée depuis de nombreuses années ? ?comment rester libre, se savoir pleinement responsable tout en maintenant le lien avec l’évêque. Eléments pas toujours compatibles.
Chercher un lieu où je puisse advenir, lieu de réflexion (et) spirituel.


Atelier 3 Le temps libéré pour quoi faire ?
Choisir des choses en continuité avec les engagements de la vie pastorale (antérieure).
Situation imposée ? Vie fraternelle ; relations humaines vécues avec plus de temps.
Demande : on avait choisi, mais on a besoin de qq’un devant qui exprimer ;;; pour faire le tri entre les besoins ? les possibles, les possibilités.
A prendre en compte : La violence d’être en stade de dépendance qui me renvoie en permanence à qqchose psychiquement insupportable.

4 Le lieu d’habitation
lieu de refuge, de sécurité, critères
confort, adapté, non isolant, en lien avec un ministère… qui donne du sens.
 Nécessité que le prêtre soit acteur de sa décision, qu’il y soit réfléchi en amont…
Le lieu qui est un chez soi.  Les béguinages… qui associent divers besoins

5 Lâcher prise et confiance
Difficultés et souci de « qu’est-ce qui reste après ? » Je ne veux pas abandonner la communauté… Mais aussi ne pas avoir à refaire ce qu’on a abandonné (ex. funérailles).
Je ne suis plus curé, mais prêtre accompagnateur… c’est-à-dire assumer un certain rôle. Cà irait mieux si je savais ce que le diocèse apporterait comme continuité
Chouias psy : instinctivement nous cherchons ce qui nous fait plaisir, est confortable, va nous mettre en équilibre Quand je me prépare à qqchose qui va me faire souffrir, je vais chercher ce qui va apporter sécurité et sens aux choses… Au moment de quitter, besoin psy d’aller donner du sens d’autant plus, pour m’aider à vivre (ex. Je ne peux partir que si je suis rassuré sur le devenir de ce que je quitte… dimensions inconscientes ???°

Lâcher prise ; une part vient de moi, une part ne dépend pas de moi. Je peux décider de quitter ma fonction… mais il ne dépend pas de moi de la suite, même si je prépare. Il me faut intervenir dans ce lâcher prise en décidant que ce n’est plus ma place.
>>>Le fait d’un infarctus (autre expérience que la retraite) fait apparaître qu’on laisse derrière soi beaucoup d’inachevé, s’en remettre au Seigneur… se soucier de la suite, mais aussi du devenir de son âme, qui est au moins aussi important.

JC V. Prêtre toujours… accueilli en tant que prêtre, à ce titre-là, identité reconnue (non comme fonction) est occasion d’action de grâce.
La question du prêtre ainé et du prêtre-curé, responsable. C’est la question du pouvoir et du hors-la-loi. Si je rends un service comme prêtre (donc dans ma fonction de p. ) sur un territoire où il y a un p.responsable, c’est de mon devoir (non-optionnel) de rendre compte à la personne en responsabilité. Quelle perte de richesse et d’occasion si on ne communique pas ce vécu. Pour le curé ce n’est pas optionnel d’aller demander à x,y,z de rendre compte, de partager comment çà se passe.

Les propositions concrètes

Se dire que c’est un temps où préparer sa future mort
Faut-il faire une assurance obsèques ? un testament ?
Projet retraite… à chacun, si possible avec un vis-à-vis. Sr le rendre compte : Bien situer les laïcs et la confiance envers eux (entre eux et nous)
Prêtres et solitude. Célébration seul ? y a-t-il des directives ? (c’est lié aussi aux ressources du prêtre, les honoraires ou l’indemnité de messe non dite).
Vivre c’est avoir des projets ! Comment les exprimer et les mettre en application, pour le monde dans lequel on est (qui regarde le prêtre… mais aussi dans un monde qui n’est plus chrétien).  Je suis prêtre et pleinement, mais je ne suis pas que prêtre…

Jean-Claude,
conclusions
Avez-vous perdu votre temps ?
Véritable liberté de parole, qui mérite un prolongement.
Cibler des points pour des échanges ultérieurs
Sensibiliser au max sur la question du vieillissement des prêtres.